Tous secteurs confondus, la pratique de la dissimulation du travail des micro-entrepreneurs coûtera aux caisses de l’État près d’un milliard d’euros de recettes. Parmi les indépendants dits traditionnels, le chiffre est plus faible. Le taux de dissimulation des travailleurs de la construction est estimé à 8 %.
Les pouvoirs publics continuent d’insister sur les conséquences économiques, sociales et financières du travail non déclaré, notamment le fait de ne pas déclarer tout ou partie d’une activité et donc de ne pas verser les cotisations nécessaires pour la même activité. Dans une étude publiée le 23 novembre, France Stratégie, agence affiliée à Matignon, a recensé cette pratique, qui non seulement affecte les finances publiques mais encourage également la concurrence déloyale.
Pour cela, il s’appuie sur les travaux de l’Observatoire du travail clandestin (lui-même affilié au Comité supérieur du financement de la protection sociale), qui vient de rendre publics plusieurs ouvrages inédits permettant de revenir sur certaines tendances. Cependant, ceux-ci doivent être pris avec des pincettes, car l’évaluation de la fraude est par définition complexe et seules des approximations peuvent être faites. A lire aussi Construction, industrie avec le deuxième plus grand nombre de travailleurs migrants La construction emploie un tiers des travailleurs expatriés Les indépendants sont moins « sous-déclarés » que les micro-entrepreneurs Premier constat : La Caisse nationale des Urssaf (Groupement de collecte des cotisations sociales) présente pour la première fois les données déclaratives des micro-entrepreneurs collaborant sur une plateforme internet.
Comme l’a récemment expliqué Batiactu, « l’ubérisation » de certaines industries a également été liée aux artisans et architectes du bâtiment, ce qui signifie une « sous-évaluation importante » des revenus gagnés. Ainsi, la part des « non-déclarants », y compris les micro-entrepreneurs ayant des revenus déclarés inférieurs à leurs revenus réels, serait de 44 % dans la rubrique « activités professionnelles et techniques », qui peut a priori inclure la construction. Globalement, le manque à gagner public des micro-entrepreneurs pour l’exercice 2020 sera compris entre 600 et 900 M€, « soit un peu moins du quart de la cotisation due, ce qui reste élevé et confirme qu’une plus grande déclaration de bonne foi », Le haut-commissariat a mis en garde.
Les estimations de fraude pour les indépendants dits types (c’est-à-dire les non-micro-entrepreneurs) varieront entre 7,5 et 105 millions d’euros, « soit 0,7% à 1,3% des cotisations dues ». 14% des entreprises de construction ont des inspections irrégulières De 2011 à 2018, dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, des contrôles aléatoires ont été effectués sur différents secteurs d’activité. En 2013, il y a eu environ 2 605 contrôles ponctuels sur le BTP, soit plus de 5 100 salariés, soit 5,1 % de l’ensemble des contrôles réalisés tous secteurs confondus. À l’époque, 13,7 % des organismes d’inspection du secteur de la construction avaient commis des fraudes, ou du moins des irrégularités, entraînant un taux de recouvrement de 10,1 %. Au final, 8% des salariés du BTP sont au travail clandestin.
Récemment, la Direction de la recherche, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ont montré des restrictions néfastes sur certains dispositifs, notamment en matière de primes d’activité. « Annoncer votre événement en étant complètement masqué vous permettra de bénéficier du bonus événement, tandis qu’annoncer un supplément de rémunération peut entraîner une réduction ou une perte totale du bonus événement », pointe l’observatoire. Plus largement, l’impact de la dissimulation du travail sur le secteur privé est indéniable : l’Urssaf estime « le manque à gagner lié à la dissimulation des bases entre 520 et 6,6 milliards d’euros, c’est-à-dire les régimes généraux sur place et l’assurance chômage ». Cela signifie que le taux de dissimulation oscille entre 2,2 % et 2,7 % de l’assiette totale, cumulant sinistres et non sinistres.